mardi 31 juillet 2018

        Badinter Robert

1 - PRÉSENTATION

Robert Badinter, sur l’abolition de la peine de mort

Le 18 septembre 1981, au terme du discours de présentation prononcé par Robert Badinter — resté comme l’un des grands moments de l’éloquence parlementaire —, l’Assemblée nationale vote l’abolition de la peine de mort en France, à une majorité de 369 voix : « J’ai ressenti, tout au long du débat, la permanente, constante et, je peux le dire, ulcérante accusation de l’indifférence aux victimes, ce qu’il y a, à mon sens, de pire comme attitude : c’est l’exploitation du malheur des victimes. Qu’est-ce que l’abolition, sinon le refus de la violence mortelle, mortelle de l’État mais alors encore beaucoup plus, de la violence mortelle de l’individu. Au cœur de l’abolition, il y a ce refus de la violence et de la mort. Alors de quel droit, au nom de quelle habileté, par quel détournement, est-ce qu’on vient ici constamment dire "pensez aux victimes". Mais aux victimes nous y pensons constamment. Seulement l’argument là permet d’aller au vif des sensibilités, d’écarter encore une fois les dépenses de la raison, et de maintenir le vieil ordre des choses qui bloque la justice. »


Badinter, Robert (1928- ), avocat et homme politique français, ministre de la Justice (1981-1986) dont l’action est à l’origine de l’abolition de la peine de mort en France, puis président du Conseil constitutionnel (1986-1995).

2 - AVOCAT ET PROFESSEUR DE DROIT

Né à Paris, Robert Badinter est titulaire d’un Masters of Arts et agrégé de droit. Chargé des travaux pratiques à la faculté de droit de Paris (1954-1958), puis professeur agrégé de droit à Dijon (1966), à Besançon et à Amiens (1969), il devient professeur à l’université de Paris I (Panthéon-Sorbonne) en 1974. Il adhère au Parti socialiste en 1971 et exerce diverses responsabilités au sein de la Ligue des droits de l’homme, d’Amnesty International et des instances de la communauté israélite.
Avocat à la cour d’appel de Paris, chargé des intérêts de plusieurs entreprises financières et industrielles, il plaide également dans de nombreuses affaires criminelles, où il est directement confronté au problème de la peine capitale. En 1972, il est l’avocat de Roger Bontems, jugé coupable avec Claude Buffet d’une prise d'otages meurtrière à la centrale de Clairvaux, qui sont tous deux guillotinés. À partir de ce procès, il s’engage résolument pour l’abolition de la peine de mort et obtient en 1977 la condamnation à perpétuité pour Patrick Henry, le meurtrier d’un enfant. Au cours des années suivantes, il défend tous les condamnés à mort qui sont rejugés, après les arrêts de la Cour de cassation cassant la condamnation à mort.

3 - MINISTRE DE LA JUSTICE (1981-1986)

Robert Badinter joue un rôle actif lors des campagnes présidentielles de François Mitterrand de 1974 et de 1981 et est nommé, en juin 1981, garde des Sceaux, dans le gouvernement de Pierre Mauroy. À ce titre, il est l'auteur du projet de loi d'abolition de la peine de mort, qui est voté le 18 septembre 1981. Soucieux de moderniser la justice, et de la mettre en conformité avec les droits de l’homme, il entreprend de nombreuses réformes du système judiciaire et carcéral inspirées du souci d’orienter la justice dans un sens moins répressif. C’est ainsi qu’il abroge la loi dite « sécurité et liberté » (10 juin 1983), la loi « anticasseurs » (23 décembre 1981) et qu’il supprime le délit d’homosexualité (4 août 1982). Il supprime également certaines juridictions d’exceptions comme la Cour de sûreté de l’État (4 août 1981) et les tribunaux des forces armées en temps de paix (21 juillet 1982).
Afin de lutter contre la progression de la délinquance, il développe les peines non privatives de liberté comme les jours-amende ou encore les travaux d’intérêts généraux afin d’offrir une alternative aux peines d’emprisonnement en cas de délits mineurs. À cet effet, il crée un Conseil national et des conseils départementaux de prévention de la délinquance.
Préoccupé par les situations de surpopulation en milieu carcéral, il engage des réformes visant à humaniser la situation des détenus (parloirs sans séparation, suppression des quartiers de haute sécurité, construction de nouvelles prisons, etc.).
Enfin, il améliore l’accès des citoyens à la justice en élargissant le droit pour les associations de se constituer parties civiles en matière de crimes contre l’humanité, de crimes de guerre (10 juin 1983) et de crimes à caractère raciste (3 janvier 1985). Il œuvre également pour que la France reconnaisse le droit pour tout justiciable d’exercer un recours individuel devant la Commission et la Cour européenne des droits de l’homme, en cas de violation de la Convention européenne des droits de l’homme (9 octobre 1981).

4 - PRÉSIDENT DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL (1986-1995)

Appelé à succéder à Daniel Mayer à la présidence du Conseil constitutionnel, Robert Badinter prend ses fonctions le 19 février 1986. Il poursuit la politique de ses prédécesseurs, visant à faire du Conseil un défenseur vigilant des libertés publiques et un garant de la continuité des institutions, dans une période marquée par trois alternances politiques (1986, 1988 et 1993) et deux expériences de cohabitation entre des majorités politiques différentes au sein du pouvoir exécutif. Son mandat arrivé à expiration en 1995, il est remplacé par Roland Dumas, ancien ministre des Affaires étrangères. Robert Badinter s’implique en faveur de la Cour de conciliation et d’arbitrage, créée en 1992 dans le cadre de la Conférence pour la sécurité et la coopération en Europe (CSCE), qui a pour objet d’élaborer des solutions pacifiques en cas de différend opposant les États. Il est élu sénateur des Hauts-de-Seine en 1995 et réélu en 2004.
Robert Badinter est par ailleurs l’auteur de plusieurs ouvrages dont l’Exécution (1973), dans lequel il relate le procès et l’exécution de Roger Bontems ; une biographie consacrée à Condorcet (Condorcet, un intellectuel en politique, 1988), rédigée en collaboration avec son épouse, Élisabeth Badinter ; Libres et égaux (1989) et un essai historique intitulé la Prison républicaine (1992). L'Abolition, retraçant son combat pour l’abolition de la peine de mort, reçoit le prix Femina essais en 2000. En 2002, il publie Une Constitution européenne, rédigée article par article, afin de contribuer aux réflexions menées par la Convention sur l’avenir de l’Europe, présidée par Valéry Giscard d’Estaing. Contre la peine de mort (2006), recueil de textes et discours, est un nouveau plaidoyer en faveur de l’abolition de la peine de mort dans le monde.




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